Salah, levain humain
Rencontre avec Salah, boulanger référent pour les salariés en parcours d’insertion chez Pain & Partage à la Calade.
On aurait pu imaginer Salah bruissant au milieu d’un nuage de farine, penché sur son fermento-levain comme sur un berceau, entouré de sa chorale d’apprentis boulangers en train de pétrir consciencieusement la précieuse pâte qui deviendra bientôt le pain béni qui nourrira les justes et les affamés.
Oh, tu la remballes ton image d’Épinal, la journaliste !
La réalité est, à dire vrai, bien plus vivante. Pour s’y frotter un peu, il faut d’abord passer par les Abattoirs, les anciens. Il faudrait attendre là vers 5h du matin, l'heure des boulangers et des marins. L’heure des livreurs aussi.
Salah, depuis 24 ans, encadre les chantiers d’insertion de Pain et Partage. Ça fait beaucoup de pain et surtout beaucoup de partage.
Ce n'est pas la passion du levain qui l’a amené au pétrin, mais celle de l’humain. Oui, il aime le pain, plutôt blanc ou aux céréales, et, à vrai dire, son estomac a plutôt un penchant pour la kesra mbessa. Mais son voyage commence ailleurs.
Parce que Salah est un voyageur, quasi un circumnavigateur de l’humanitaire. C’est un périple qui débute dans le 15ème arrondissement de Marseille, là où il a grandi, pour y reprendre pied, des années plus tard.
Éducateur spécialisé, c’est d’abord dans son quartier qu'il accompagne des personnes en difficulté, des personnes atteintes de trisomie 21, des enfants, des adolescents, des pré-ados... Il emmène alors des jeunes faire des chantiers humanitaires sur le continent africain, au Sénégal et en Mauritanie. “J’ai planté des oignons, des arbres, apporté des containers de matériel scolaire et médical, aidé à retaper des villages de brousse et des puits, à faire venir l’eau.” égrène-t-il tout en cherchant avec un salarié des toiles pour les pains de campagne moulés.
À la fin des années 90, il poursuit ses missions humanitaires avec les fondateurs de Pain et Partage, dont la mission, à l’époque, est d’acheminer du matériel de boulangerie -notamment en Roumanie, Palestine, Philippines- et former des personnes sur place à leur utilisation.
C’est là que Salah met la main dans le pétrin. Il passe son C.A.P, fait des stages pour ensuite former les autres. "Et puis, à un moment, on s’est rendu compte qu’ici aussi, à Marseille, il y avait besoin de pain et d’apprentissage, alors on a décidé de faire du pain ici : pour le foyer de la Madrague, l’Armée du salut, les maraudes et la Croix rouge à l'époque.“
Commence alors un nouveau tour, celui de Marseille. “J’ai voyagé ici aussi : d’abord à la Rose, puis boulevard National près de Médecins du monde... puis Camille Flammarion, puis rue Pons, la Blancarde avec la Fondation d'Auteuil, puis enfin retour au 15ème, ici près de l’École de la deuxième chance. J’ai vécu rue de l’Arc à une époque, il y avait un bar boite en bas, le patron c’était Christian, il avait aussi le Coton Tige au Panier. Un genre de biker rocker, style Mad Max avec un blouson de cuir, genre Hells Angels, mais sympa. On pouvait rester tard jusqu'à 5h du matin.”
Aujourd'hui ça a grandi, Pain et Partage distribue son pain bio au levain à 125 lieux différents tous les jours, des associations mais aussi des cantines ou la Sodexo. Salah encadre désormais 24 personnes, dans le cadre de chantiers d’insertion, qui visent à permettre à des personnes qui en sont éloignées de se familiariser avec un certain monde du travail, avant de se familiariser avec un métier en particulier. Bien sûr certains, en découvrant le métier de boulanger, décident d’en faire le leur. Mais ça n’est pas nécessairement la passion de la boulangerie qui anime les personnes qui travaillent ici.
Mais alors, pourquoi le pain ?
Ici en fait, le pain est un langage. “Un langage des mains, qui permet à tous de se comprendre”. C’est ça que Salah a trouvé avec le pain, un moyen de converser avec tous, parce que “ ici il y a beaucoup de nationalités, des Afghans, des Roumains, des Maghrébins, des Soudanais, des Éthiopiens, aussi des personnes qui n’ont pas travaillé depuis longtemps, de tous les âges... j'adore ça, c’est mon dada, plus on est des multitudes, plus je me régale. Et puis j’apprends des autres. Aussi parce que le pain, c’est noble, c’est un symbole. Le pain, comme l'eau, ça parle à tout le monde. C’est une monnaie universelle.”
Les roues des chariots à pain qui sont poussés vers les frigos vrillent les oreilles. On cherche des boules de pain, ça crie et ça rit en même temps. “c’est la fin, tout le monde est fatigué.” On compte les pains aux graines, 8X12, 96, et on va les laisser gonfler tranquillement au frais, avant d’être enfournés par l’équipe de nuit, de 20h à 4h. Salah a arrêté les nuits, il s'occupe des matins, de 5h à 11h30. Les livreurs travaillent de 21h à 4h, avec les préparateurs. Même bio, au levain et d’insertion, même avec des laminoirs, des ciabaterra, des fours rotatifs et des pétrins à spirale hydraulique, les métiers de la boulangerie restent très fatigants.
Un portrait par Julie Rouan
Crédit photo : Julie Rouan et Pain & Partage
Pour plus d'info, rdv sur : www.bou-sol.eu
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